- un Amati chez Nicolas et Agnès Saumagne -

Genèse d’une restauration d’exception

2024 a été marqué à l’Atelier Saumagne par la venue d’un instrument d’exception: un violon de Nicolò Amati qui nous a mené à inventer de nouvelles techniques de pointes.

Un beau moment de lutherie que nous sommes heureux de pouvoir partager avec vous!


Les origines

Portrait d’Amati, F. Gialdisi

Tout travail de restauration commence par des recherches historiques poussées. Pour situer, Nicolò Amati (1596—1684) provient d’une longue lignée de luthiers Crémonais très réputés qui sert les grandes familles nobles de son époque.

Les commandes sont nombreuses et l’atelier tourne à plein régime avec toujours plusieurs ouvriers avec lui. L’un d’entre eux n’est autre qu’Antonio Stradivari. On sait depuis très peu de temps, grâce à un instrument récemment authentifié que j’ai aussi restauré, qu’ils ont travaillé ensemble bien plus qu’on ne le pensait.

Avant

Après

Ce violon de Nicolò Amati date de la fin de sa vie et est typique de cette époque. Le travail de l’atelier est magnifié par un vernis admirable.

L’instrument passe les années et reçoit du vernis de protection aux zones d’usures. Lors de la dernière restauration, il est fortement dénaturé par l’ajout de vernis inapproprié coloré sur tout le violon. (voir photo ‘avant’)

ETAPE 1: Quantifier les zones de vernis original

Cela demande une étude approfondie pour comprendre ce que l’on souhaite laisser et retirer. L’objectif final est de lire le vernis original sans faire disparaître toute l’histoire du violon et sa patine ancienne.

L’enquête commence avec des scientifiques spécialisés, remontant de fil en aiguille jusqu’au Laboratoire d’Optique et de Biosciences de Polytechnique Paris Saclay.

L’utilisation des appareils de Tomographie de Cohérence Optique (développé entre autre par Gaël Latour, en bleu sur la photo, pour étudier la cornée) définit précisément les strates de vernis de manière entièrement non invasive.

Nous avons la chance d’avoir des vernis de textures fort différentes qui deviennent lisibles lors de l’étude: un vernis très pigmenté en surface, un vernis de protection peu pigmenté et oxydé, et le vernis original.

ÉTAPE 2: Créer des solvants appropriés

Après avoir testé différents solvants et gels de solvants habituels qui se trouvent être inadéquats, je me tourne vers Laetitia Desvois, restauratrice de peinture et conseillère auprès de musées tels que le Louvre, Orsay etc.

Des recettes de microémulsions sont conçues pour cet instrument. Il m’aura fallu 20 ans d’études, de recherches et d’échanges directement avec les inventeurs de ces méthodes pour utiliser sereinement tous ces produits qui peuvent être des « bombes atomiques » pour les vernis mais, bien choisis, vont permettre une maîtrise du travail.

Je choisis de retirer environ 80 à 90 % des vernis ajoutés afin de ne pas toucher le vernis original. Ce sera un allègement, pas un décapage.

Pour le contrôle de ce retrait, j’utilise des lampes UV. Sur la photo avant, le vernis original (en jaune pâle) n’apparaît presque pas sous la couche de vernis récente. Sur la photo après, il est beaucoup plus visible. C’est ce que nous cherchions à obtenir.

ÉTAPE 3: Sélectionner les couches de vernis à retirer

Avant

Après

RÉSULTATS

Presque 200 heures d’intervention passionnantes ont été nécessaires.

Et c’est reparti pour de belles années!

Des publications scientifiques sont en cours de publication suite à cette étude. Nous en rajouterons les liens quand ils seront disponibles.

Pour toutes demandes de restauration, veuillez nous contacter directement. Nos coordonnées sont ci-dessous: